Interview - Marie Line Calvo

Interview - Marie Line Calvo

Tantôt productrice, chargée de communication et surtout, programmatrice de salles ou de festivals, Marie Line Calvo a constaté en quinze ans les évolutions des inégalités dans l’industrie musicale.

En juillet 2020, les comptes Music Too, qui apparaissent sur Twitter et Instagram font l’effet d’une bombe : serions-nous entrés dans une nouvelle ère ? Alors que 86% des directeurs de labels sont des hommes selon une enquête du Cura, les esprits s’agitent, s’effritent et tremblent : à travers des appels à témoins, l’heure est arrivée pour les femmes de parler et dénoncer ce qu’elles vivent dans l’industrie musicale depuis des années. Marie Line Calvo, elle, constate les inégalités et leur évolution depuis quinze ans, alors qu’elle rêve de devenir programmatrice : « c’était pour moi inaccessible. Les personnes qui étaient à ces postes à l’époques étaient tous des hommes, blancs, d’une cinquantaine d’années. Comment s’y projeter à 25 ans ? ». D’autant que les faits sont là : 88% des salles de musiques actuelles ont un homme au poste de programmation

« Il faut cesser de se mettre des barrières, aussi inconscientes soient-elles »

La carrière de Marie Line Calvo s’est construite à travers son talent, son réseau et la chance d’être parfois là au bon moment. Alors qu’elle tente les concours des écoles de journalisme, elle se retrouve stagiaire en communication de la salle de musiques actuelles El Mediator, à Perpignan. Sa chance ? Que sa supérieure tombe enceinte. « Le lot de beaucoup de stagiaires », raconte-t-elle. Cet heureux hasard se reproduira plus tard, alors stagiaire dans la salle parisienne l’International. A force de rencontres et un diplôme en production de l’école d’Issoudun en poche, Marie Line atteint ce qui justifiait tous ses efforts : des postes de programmatrice dans plusieurs salles de concerts (Olympic Café, Le Temps Machine…). Depuis trois ans, elle programme le festival Terres du Son à Tours. Si aujourd’hui, son poste est acquis, sa crédibilité en tant que programmatrice aussi, Marie Line a souvent douté : « on a tendance à se mettre des barrières inconscientes », concède-t-elle. « J’aurai aimé qu’on me dise que je peux y arriver. Car tout le monde peut y arriver ! Tu as deux bras, deux jambes. N’écoute jamais les autres qui doutent de toi » conseille-t-elle, comme un mantra.

Une (r)évolution qui ne va pas assez vite

A ses débuts, Marie Line voyait déjà bien les inégalités. Au point qu’avec cinq amies, elle créait une association, « les six sauteuses ». L’objectif ? Montrer qu’on peut être une femme et organiser des concerts – quelque chose qui semble évident, mais pas pour tout le monde avoue-t-elle. Quinze ans après, elle s’accorde à dire que les choses ont changé. Certes, les femmes programmatrices, productrices, à la technique, sont plus nombreuses. Mais un problème demeure, celui du déplacement de pouvoir : « les femmes finissent par atteindre des postes réservés aux hommes jusque-là, mais le pouvoir se déplace. Les choses auront vraiment évolué lorsqu’il y aura des femmes directrices. » Un premier pas a été enclenché : Warner et Def Jam semblent vouloir changer d’air… leurs directeurs respectifs, Thierry Chassagne et Benjamin Chulvanij ont tous les deux quittés leurs fonctions récemment pour « raisons personnelles », quelques semaines après le lancement de Music Too.

Photo : @ben.pii