Interview - Calling Marian

Interview - Calling Marian

Calling Marian est l’une des révélations de la scène électro de ces dernières années. Après s’être fait un nom sur sa scène locale lyonnaise, elle est montée à Paris, non sans difficultés. Rencontre.

« Faites des tremplins, jouez autant que possible, démarquez-vous ! »

B. : Avec un père disquaire et un frère fan de Nirvana, la musique a dû être présente très tôt à la maison…

C. : Oui, il y avait une platine au milieu du salon où on pouvait mettre cinq disques ! Ça a toujours été au centre, plus que la télévision… Et puis, à l’époque, mon père devait « tester » les disques. Il en ramenait une pile tous les quinze jours. C’était surtout du rock mais l’électro faisait partie du décor. L’un de mes premiers souvenirs musicaux, c’était quand j’avais 6 ans… j’hurlais sur le canapé en écoutant Louise Attaque ! J’adorais !

B. : À partir de quand tu as commencé à faire ta propre musique, chez toi ?

C. : Assez tard, vers 22 ans. Je bidouillais sur mon ordinateur mais très vite, je me suis dis que je n’avais pas la légitimité à faire ça. Du coup, c’était hyper scolaire !

B. : Tu dirais que la fac de musicologie que tu as fait t’a aidé à contrer ça ?

C. : J’étais un peu paumée à l’époque… j’avais raté mon bac, puis les concours de Sciences-Po… il fallait que je trouve quelque chose et vu que ce que je préférais c’était faire du son dans ma chambre, ça m’a paru être la meilleure alternative. Alors oui, ça m’a apporté de la culture générale, que ce soit en musique classique mais aussi une plus grande ouverture d’esprit, plus analytique. Je ne dirais pas que ça m’a professionnalisé … mais ça m’a apporté un bagage.


« J’ai toujours été autodidacte mais c’est parce que je n’osais pas demander de l’aide »

B. : On sent que tu as souvent manqué de confiance en toi…

C. : Je me suis toujours mis la pression sur ma légitimité en tant que DJ. Et ça, je l’explique assez facilement : je n’avais aucun modèle ! La première fois que j’ai mixé dans une soirée, c’était une soirée lesbienne, les débutantes étaient acceptées, et je me souviens que je n’avais vu qu’une femme en DJ set jusque-là… c’était Chloé. Mais c’est tout. Alors moi, j’avais peur d’être jugée et moquée. J’ai toujours été autodidacte mais c’est parce que je n’osais pas demander de l’aide. Je l’analyse comme ça. Et puis, ça a été difficile d’arriver à Paris… je commençais à avoir un petit nom à Lyon, j’avais fait les premières parties de Laurent Garnier, d’Arnaud Rebotini … Je suis allée à Paris par amour et là, je me retrouve à ne connaitre personne. J’ai eu une bonne grosse dépression pendant six mois ! (rires)

B. : Qu’est-ce qui t’a donné de l’assurance ?

C. : Les tremplins. C’est le meilleur conseil que je puisse donner à quelqu’un qui débute. Faites des tremplins ! Celui du FGO, le Ricard SA Live, les Inouïs du Printemps de Bourges (Calling Marian a remporté le prix du jury aux Inouïs du Printemps de Bourges en 2019 ndlr). J’étais plutôt réfractaire au départ, je n’aimais pas l’aspect compétitif mais quand tu veux faire carrière dans la musique, c’est indispensable d’avoir un accompagnement. Et ça aide à alimenter son réseau !

B. : Et comment se démarquer, selon toi ?

C. : Il faut le faire, justement ! Il y a tellement de musiciennes, maintenant. Il faut se battre, beaucoup jouer et avoir l’intelligence sociale de se démarquer. Il faut avoir une valeur ajoutée, à la fois dans l’esthétique musicale et dans l’image. Cependant je dis ça… alors que depuis le début je me dis que j’ai surtout eu beaucoup de chance !

Photo : @Ranobrac